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À propos des choses invisibles dans la vie

Quel coup de cœur ! Quel joie de le (re)voir restauré ! Edward Yang nous raconte d’une manière délirante dans son chef-d’œuvre l’histoire d’une famille à Taïwan. NJ Jian, sa femme Min-Min et leurs deux enfants forment une famille de la classe moyenne. Ils partagent leur appartement de Taipei avec la grand-mère. Comme beaucoup d’hommes dans la quarantaine, NJ en est à un stade où il se demande si sa vie aurait pu être différente. Et son fils Yang-Yang nous démontre des choses que nous ne voyons pas.

Qu’est-ce que la vie ? Quelle question. Elle nous hante, surgissant dans mille et mille déguisements, chaque jour. Que serait l’art sans elle ? Combien de romans ou de pièces de théâtre ont cherché des réponses à cela ? Combien de films n’examinent pas des débuts de réponses ? Combien de morceaux de musique ne fouillent pas son espace sonore ? Combien d’images, de sculptures, d’installations ne mettent pas en mouvement des sentiments ?

Une petite question à la fois trop banale et trop vaste. Alors peutêtre, un indice: regarder toujours plus près. Et un et un – ou en mandarin, justement : Yi Yi. La grand-mère Jian a élevé deux enfants: un fils et une fille. Lui s’appelle A-Di, décide enfin de se marier, il n’est pas très sûr de lui malgré une belle situation. Aussi, Hsiao-Yan arrive en plus au mariage avec un ventre qui en dit long, ce qui provoque des commentaires dans les tablées. La fille de la grand-mère s’appelle Min-Min. Elle est déjà mariée depuis longtemps et se trouve en plein milieu d’une crise existentielle, où elle se demande qu’est-ce qu’elle devrait commencer à faire de sa vie, s’il n’existerait pas d’autres lieux pour le bonheur. Elle est mariée avec NJ, un homme qui a réussi dans l’informatique. Celui-ci tombe sur son grand amour de jeunesse, Sherry, à l’occasion de la noce de son beau-frère. Min-Min et NJ ont deux enfants, une fille de 15 ans, Ting-Ting, qui fréquente le lycée et le petit Yang-Yang, le fils de 8 ans, qu’on taquine, et qui a du plaisir à tout expérimenter. Le Taïwanais Edward Yang (1947-2007) nous montre dans son chef d'oeuvre qui fut présenté à Cannes en 2000, primé pour la meilleure mise-en-scène et restauré récemment, comment la vie se trouve dans la sécurité de la normalité. Ce qu’il en fait est proprement époustouflant. Peut-être que la vie a un sens à cause de films comme celui-ci.

Yang-Yang avance inexorablement dans la vie, à tâtons, tranquille, attentif, curieux. Dans la salle de bain, il teste sa respiration, l’eau est un élément qui le fascine. Muni de l’appareil photo de son père, il se promène en chaussettes, maladroitement, à travers la maison. Il prend des images, en apparence au petit bonheur. Les adultes hochent la tête sans comprendre: « Qu’est-ce que tu peux bien photographier là ? », demande une voisine sur le palier, qu’il a effrayée avec le flash. « Je veux montrer les moustiques à ma mère. » – « C’est quoi ça ? », lui demande son oncle, en face de la photo qu’il lui a tendue, qui ne montre que sa nuque. « Je te montre ce que tu ne vois pas », le gamin lui répond avec une assurance étonnante, avant de se retirer de nouveau. Alors quoi ? La face arrière de l’extérieur, l’autre côté de l’être humain, ce côté qui n’est pas visible par la personne en question. Un matin dans la voiture, Yang-Yang explique à son père: « Je ne vois pas ce que tu vois, et toi, tu ne vois pas ce que je vois. D’où peux tu savoir ce que je vois ? » – « Bonne question », dit le père, « je n’y avais encore jamais pensé. » – « Papa, nous ne pouvons connaître que la moitié de la vérité ? » – « Je ne comprends pas. » – « Je ne vois pas ce qui est derrière moi. Donc, je ne peux connaître que la moitié de la vérité. »

Image de «Yi Yi»
Der achtjähriger Yang-Yang

Le cinéma rends la vie trois fois plus intense

Il est évident que c’est Edward Yang qui s’exprime derrière de tels dialogues. Comme tous ces personnages n’en sont finalement qu’un seul et que ces facettes incarnent notre vie, Yang-Yang représente la joie enfantine de la découverte, le franc-parler sans retenue, la petite malice, la recherche d’une direction. Avec l’aide de la caméra pour contempler l’autre côté de la vie, celui que nous ne pouvons percevoir nous-mêmes, parce que nous ne pouvons contempler notre propre nuque sans une aide quelconque ? Que faisons-nous d’autre, se demande Yang, quand nous sommes créatifs ? Et il va encore un pas plus loin, quand, dans un autre plan du film, il fait méditer la soeur Ting-Ting sur le cinéma, dans un bar avec l’ami de sa voisine. « Pourquoi alors aller au cinéma ? On peut aussi faire l’expérience de la vie à la maison. » Le gars lui cite son oncle qui lui a dit une fois: « Depuis qu’il y a le cinéma, notre vie est trois fois plus intense. » – « Et pourquoi ? » – « Les films nous donnent deux fois plus que ce que nous pouvons vivre. » Edward Yang n’aurait eu probablement aucune objection au fait que j’utilise deux plans de son film comme introduction pour une étude de Yi Yi. Rendre l’autre côté visible et tripler le potentiel de connaissance de la vie: quelles belles approches limpides pour un film. Et comment y réussit-il ? Par la simplicité. A la question, pourquoi donc il filmait, Yang avait répondu au quotidien Libération, « comme cela, je ne suis pas obligé de trop parler. » Et quand on s’apprête, qu’on songe, à écrire sur son film, il est une chose qui ne nous sort pas de la tête: le parler et l’écrit, à propos d’un véritable grand film, ne pourront jamais remplacer le voir. Dans le cas de Yi Yi, de toutes façons pas, car tout y est: de la naissance à la mort, de l’approche de la tendresse jusqu’à celle de la violence, des moments de chance jusqu’à ceux de défaillance, du silence à la parole, de la bêtise à la sagesse. Yi Yi, le titre à lui seul est déjà une musique: cela semble à la fois important et insignifiant, cela nous emporte dans le cours d’une narration qui nous fait connaître de plus petits courants et tourbillons et nous ne tournons jamais vraiment le regard sur l’ensemble parce que la conscience du fleuve induit que le grand se reflète dans le plus petit.

Les élements eux-mêmes racontent

La conversation entre le père et le fils et celle entre la fille et son compagnon sont filmées de la même manière dans un plan fixe, de face, à travers une vitre de fenêtre. Dans un cas, le garçon et le père sont dans l’auto et s’apprêtent à partir. Dans l’autre, le couple est assis à un comptoir dans une cafétéria. Rien ne vient distraire les protagonistes de ce qui est important à ce moment: le dialogue. Aucun changement de perspective ne simule une action où il n’y en a pas. Aucun montage qui nous déplacerait dans des positions différentes par rapport aux personnages en train de discuter. Aucun changement de cadrage qui simulerait un rapprochement là où la distance est calculée. Cela ne doit pas vouloir dire qu’une technique de narration différente serait suspecte, mais cela en dit beaucoup sur celle d’Edward Yang. Dans ses précédents films, il avait déjà témoigné de la réserve dans l’utilisation des moyens, des possibilités aussi, pour composer des scènes. Yang est un homme des plans-séquences et du regard insistant, sans qu’il abîme aucun des deux moments créés, sans les abandonner à l’automatisme. Chez lui, la forme ne semble non plus jamais artificielle. Il bouge très rarement sa caméra. Mais lorsqu’il la bouge, il sait alors quoi raconter avec elle, ou plutôt, et c’est particulièrement important pour lui: il laisse alors justement raconter les éléments du décor, et donc aussi l’architecture.

Le regard (la caméra) doit se soumettre à l’architecture s’il veut laisser son espace à l’espace. Les films d'Edward Yang sont urbains et traitent de gens dans un environnement urbain. De la détresse des hommes aussi, car, par exemple dans A Confucian Confusion, tous sont munis d’un téléphone portable, mais ont des problèmes de communication avec leurs amoureux. Comme ce titre le dit si bien, une confusion domine dans ce film et dans le royaume de Confucius. Il place sa caméra de façon à ce que ce soit le cadre choisi qui raconte une histoire et non le mouvement de l’objectif. En haut, sur le balcon, Ting-Ting rassemble les ordures. Un téléphone n’arrête pas de sonner. Yang coupe sur une deuxième perspective dans laquelle l’image se partage: à gauche la façade de la maison, qui se prolonge derrière le balcon où se trouve la fille, percée par une avancée de la grandeur d’une chambre ; dans celle-ci, une grande fenêtre encastrée, dans laquelle la voisine apparaît maintenant avec le téléphone. Dans le fond de la partie droite de l’image, la voie rapide avec le flot de circulation et, sous l’ouvrage d’art, un couple d’amoureux en chagrins continuels: la fille de celle qui téléphone et son amoureux méprisé par la mère.

Dans ces plans, composés de manière si imperceptible, des histoires entières, aux dimensions intimes, sont racontées (jalousie d’une mère à propos de l’amoureux de sa fille, les séparant les deux, un drame en train de se préparer). Mais ces plans ont aussi une forte expression sociale (une voie rapide coupant le quartier en deux, ne laissant encore aux gens que les dessous de son plafond de béton comme espace public). Des raccourcis visuels comme celui-ci sont complétés par une bande-son délicate qui anticipe souvent, et loin en avant, une scène. Les concentrations ne sont pas des surprises, elles ne s’imposent pas, elles sont des choses naturelles, elles ne se révèlent le plus souvent que si on regarde ses films plusieurs fois, mais elles concourent justement à ce que, dès la première fois, on soit déjà porté par le courant de son récit qui est pour le moins un flot de perceptions. Plus tard, la mère sera debout à la fenêtre, dans la pénombre de la nuit, avec les lumières de la rue et les feux des voitures qui se reflètent sur la vitre. Quelque part au loin, la lumière clignotante d’une ampoule se reflète exactement à l’emplacement de son coeur, comme une pulsation.

Yang ne cherche pas la chronologie, ni dans une scène, ni dans le regard sur le fil de la vie. Il cherche la caractéristique, l’essence d’une vie qui devient visible actuellement d’abord sur un moniteur, celui des ultrasons au moment du contrôle prénatal. Dans Yi Yi, un personnage disparaît assez souvent du cadre choisi, pour reparaître plus tard à partir d’un autre côté. L’espace vide, l’espace entre deux événements, l’espace à côté du supposé signifiant, est au moins aussi important que le reste chez Yang. Le hors-champ de l’image sera utilisé comme lieu d’action. Il se dessine tant de choses en lui, de ce qui peut suivre, et comme le garçon qui photographie les nuques ici et là, Yang nous fait contempler l’espace d’à côté. Dans de tels moments, la caméra se déplace parfois doucement sur le côté pour changer l’angle de vision. Ce ne sera alors pas coupé. Si Yang coupe à l’intérieur d’une scène, ce sera fait de préférence à la japonaise, comme Akira Kurosawa: au sein de la profondeur, plutôt que par un mouvement de caméra.

Réserve et d'intime proximité

Dans une petite scène, nous sentons que la mère n’arrive plus à faire face à son quotidien, quand elle pousse le petit garçon à parler à sa grand-mère dans le coma. C’est un barman qui parle, dans un aparté, des temps qui sont devenus durs pour les affaires. Une scène témoigne de la solitude du jeune fraîchement marié, où il est étendu à côté de son ancienne fiancée comme dans le lit à côté de sa mère, alors qu’on peut entendre,suspendus dans la pièce, les gémissements de plaisir venant d’ailleurs. La tête de l’instituteur, qui exige de Yang-Yang qu’il lui remette un préservatif qui est censé être caché dans sa poche, n’apparaît d’abord pas dans l’image, c’est donc sans tête qu’on l’entend soupçonner le garçon sur la base d’un mouchardage. Au bout du compte, Yi Yi ne traite pas de l’essence du supposé secondaire. La position de la caméra souligne à chaque fois un mélange de réserve et d’intime proximité qui rend le film si discrètement proche. Comme spectateur ou spectatrice, nous ne pénétrons pas dans la sphère privée des personnages, la caméra ne se colle pas à eux. Non, elle reste sur le pas de la porte entrouverte, elle regarde à travers une vitre ou épie depuis l’autre côté de la rue. Ne les ressentons-nous pas mieux ainsi que si nous nous mettions plus près ? Yang ne nous en raconte- t-il pas bien plus ainsi que s’il n’arrêtait pas de couper avec des champs-contrechamps ? Il ne le fait pas, il laisse l’espace ouvert, dans des situations bien différentes. Quand c’est bruyant dans l’appartement voisin, nous l’entendons depuis l’extérieur, exactement comme nous le percevons pour les cris de plaisir. Lorsque la jeune fille se retrouve avec son ami défendu sous le pont de l’autoroute, nous ne les dérangeons pas en étant à leur côté. Lorsque Yang-Yang, au bord du bassin, enlève ses chaussures et se défait de son sac d’école puis saute dans l’eau, notre coeur s’arrête de battre de peur, mais la caméra ne vacille pas. Le vide qui suit, tout autour: il nous en dit bien plus – et nous laisse de l’espace pour la réflexion. La voisine, qui passe au moment où le garçon est en train de photographier les moustiques, peut bien se dire: « Quelle idée de gamin ! » Les moustiques, qu’on ne voit même pas sur les photos. Et l’instituteur peut faire des gorges chaudes de ses images, devant la classe: « C’est de l’art d’avant-garde ! »

Image du film «Yi Yi»
Yi Yi

La peur des adultes

Mais c’est la peur des adultes face à l’inconnu qui le fait parler. La peur des adultes devant l’échec d’une tentative. L’enfant ne la connaît pas. Cela n’a pas d’importance si on ne voit pas les moustiques sur les photos de Yang-Yang, si la plupart sont floues, dans la tentative de les saisir avec un appareil ordinaire dans la cage d’escalier. Ce qui est beaucoup plus important et que l’instituteur ne comprendra pas, c’est que le gamin de 8 ans s’est mis à répertorier son environnement. Il a commencé à se façonner ses propres critères et à se faire une idée de ce qui est perceptible et de ce qui ne l’est pas. D’une manière ou d’une autre, semble-t-il se dire, il y a quelque chose à retirer de tout ça. On peut voir ainsi chez lui ce qui est valable, de diverses manières, pour tous les autres personnages: ils sont souvent seuls avec leurs recherches et leurs tentatives. Yang-Yang doit avoir quelque chose de Yang (Edward) – le jeu des doubles noms sonne comme un diminutif. Si Yi Yi a acquis la réputation d’un chef-d’oeuvre qui figure sur les listes des 100 meilleurs films de l’Histoire du cinéma, cela tient justement à ce qu’un magnifique conteur nous montre une tranche de vie sans user de grands mots. Ce roman familial nous met aussi sous les yeux, par petits bouts, la ville de Taipei et, au-delà, la vie dans une métropole asiatique. À la différence de beaucoup de films urbains, nous n’y volons pas en hélicoptère, pour atterrir par la fenêtre de la chambre à coucher du plan d’ensemble au gros plan. Non, Yang n’utilise pas le fauxsemblant de la vue d’ensemble et pourtant nous pouvons nous l’imaginer nous-même. Taipei est une ville riche, le père a eu du succès mais c’est la crise dans le domaine de l’informatique. On cherche de nouvelles pistes, de nouvelles idées. C’est pour cette raison qu’on a invité un spécialiste des jeux japonais, pour qu’il puisse présenter ses projets. Mais on doit y gagner à n’importe quel prix, que ce soit avec lui ou avec un autre qui a plagié ses produits et les a vendus moins chers.

NJ s’embarque dans une rencontre à Tokyo avec l’amour de jeunesse. Doit-on se revoir ? Renouer encore les fils (de la vie) d’autrefois qui ont été laissés de côté ? Donner une chance à ce qui fut, dans une sublimation nostalgique, l’unique amour véritable ? Recommencer la vie encore une fois ? Recommencer autrement ? Le voyage le mène à deux rencontres: une pour affaires avec le spécialiste des jeux Ota, l’autre privée avec Sherry. Pour ce qui concerne les affaires, il apprend qu’on peut tout, seulement si on le veut et si on se donne de la peine, qu’il n’y a pas de truc ou de magie, seulement de la maîtrise de certaines choses. Du côté privé, NJ explique à son premier amour pourquoi, à l’époque, il n’était pas venu au rendez-vous et pourquoi il l’a abandonnée. Toutes les questions n’ont pas été éclaircies, mais une l’a été: quand on est jeune, on trouve sa voie. L’âge venant, cela peut devenir difficile. Et NJ ne voulait pas se laisser dominer par une femme.

Voyage à Tokyo

Yi Yi est un puzzle de la vie, composé de nombreuses petites pièces différentes dont chacune raconte un bout d’une histoire sans fin, qui rend une facette visible ou au moins la laisse deviner. Le film est sur un courant, monté autour des événements dans la vie de la famille Jian durant quelques jours, au début desquels la grandmère tombe dans le coma et à la fin desquels elle est portée en terre. Edward Yang ne travaille qu’une seule fois avec un montage parallèle classique et, à travers lui, nous met le retour devant les yeux. En effet, pendant que son père retrouve son premier amour à Tokyo, sa fille Ting-Ting a une relation avec le copain de sa voisine. Alors, ici Tokyo, là Taipei. Et la simultanéité de l’autre, le passé et le présent, la proximité et la distance. L’économie dans les moyens se révèle payante par l’intensité de la perception. Yang s’avance dans une contemplation dans le meilleur sens du terme. Le mariage et l’enterrement s’accordent pour entrer et sortir du cadre. Les visites à la grand-mère dans le coma représentent un des quelques éléments récurrents. Chaque membre de la famille s’assoit au moins une fois au pied de son lit et essaie de raconter quelque chose à la vieille dame qui reste muette. Le médecin leur a conseillé de mener une vie normale et de lui parler comme si de rien n’était. Dans les monologues, ce sont des bagatelles qui ressortent, que les personnages n’oseraient pas exprimer à des interlocuteurs en état de les entendre, et ce ne serait pas par peur de la contradiction. Celle qui s’approche le plus de la grand-mère, c’est la fille Ting-Ting, qui est venue chercher de la consolation chez la vieille femme et qui a aussi été la dernière à la voir encore une fois vivante – ou au moins avoir cru la voir vivante. Un petit papillon de papier, que la grand-mère lui a encore plié, reste comme le signe de son âme. Il y en a un qui n’est pas encore arrivé à parler à la grand-mère de son vivant: le petit Yang-Yang. Maintenant qu’elle est morte, il entre dans la chapelle ardente et lui lit ce qu’il a noté le matin dans son cahier: « Pardonne-moi Grandmère, je voulais te parler. Mais tout ce que j’aurais pu te dire, tu l’aurais déjà su. Autrement, tu ne m’aurais pas toujours dit ‘Ecoute donc’. Ils disent tous que tu es partie. Et tu ne m’as même pas dit pour où. Tu es sûrement à un endroit qu’à ton avis je devrais connaître. Mais, Grand-mère, je sais si peu de choses. Sais-tu ce que je veux faire quand je serai grand ? Je veux raconter aux gens des choses qu’ils ne savent pas. Leur montrer des choses qu’ils n’auront encore jamais vues. Ce serait formidable ! Peutêtre que je découvrirai un jour où tu es partie. Si je te trouve, est-ce que je pourrai le dire aux autres ? Est-ce que je pourrai les emmener avec moi ? Grand-mère, tu me manques beaucoup. Et avant tout, lorsque je vois mon petit cousin nouveau-né qui n’a pas encore de nom. Il me rappelle, comme tu disais toujours, que tu te sens vieille. Je voudrais lui dire que moi aussi je me sens vieux. » Le film s’achève là-dessus, dans la douceur avec laquelle il avait débuté et dans laquelle il a été mis en scène: incidemment au centre.

Image du film «Yi Yi»
Yi Yi

Edward Yang:

Edward Yang (Yang Dechang) est né en Chine continentale, à Shanghai en 1947, mais c'est à Taipei qu'il passe toute sa jeunesse. C'est aussi là qu'il fait ses premières armes dans le domaine artistique, puisqu'il se consacre à écrire des "mangas".

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